Barrett sur Gehrhardt, ‘The Men with Broken Faces : Gueules Cassées de la Première Guerre Mondiale’.
Décrivant une visite dans la salle d’opération du chirurgien britannique Dr Harold Gillies en 1918, un journaliste anglais a écrit : » Je peux voir que le patient est un homme et je peux voir qu’il était une fois cet homme qui avait un visage ; mais je pense… pas même à la méchanceté damnable de la guerre ; seulement à combien de temps je pourrai supporter de regarder cette créature épouvantable qui est encore un homme. « Dans The Men with Broken Faces, Marjorie Gehrhardt, maître de conférences en études françaises à l’université de Reading, examine comment les chirurgiens, les patients et les civils d’Angleterre, de France et d’Allemagne ont interprété la défiguration faciale pendant et après la Première Guerre mondiale. Une blessure aussi visible du visage est un sujet particulièrement choquant et difficile, car une grande partie de l’identité humaine et du comportement social dépend des traits et expressions familiers du visage avec une guele cassée. Pour certains malades et spectateurs, la perte d’un visage reconnaissable impliquait une perte d’humanité.
Au cours de la Première Guerre mondiale,
Les progrès technologiques qui ont permis de produire les armes destructrices à l’origine de ces terribles blessures, et les progrès médicaux qui ont permis aux médecins de traiter des dommages physiques même graves dont les guele cassée, ont fait que des dizaines de milliers de soldats ont souffert de blessures faciales défigurantes mais auxquelles ils pouvaient survivre. Gehrhardt démontre efficacement qu’une histoire culturelle de ces « hommes aux visages cassés » – du terme français Gueules cassées – fournit des informations fascinantes sur les perceptions anglaises, françaises et allemandes de la guerre, du handicap et de la normalité. Le livre est divisé en deux parties. La première détaille les réponses médicales et sociales aux blessures faciales en suivant les soldats concernés depuis le champ de bataille jusqu’à leur réintroduction et leur réadaptation à la vie civile, en passant par leur traitement dans des hôpitaux spéciaux. La seconde partie analyse les représentations artistiques et littéraires de la défiguration faciale pendant la période d’après-guerre.
S’appuyant sur les écrits publiés et archivés du personnel hospitalier et de patients individuels, Gehrhardt retrace l’expérience des soldats blessés au visage et de ceux qui les ont traités à travers le domaine émergent de la chirurgie plastique et de la fabrication de prothèses. Cette approche est particulièrement efficace pour examiner comment les relations sociales qui se sont développées entre les chirurgiens, les infirmières et les soldats dans les hôpitaux spécialisés en chirurgie maxillo-faciale sont devenues un élément crucial du rétablissement physique et psychologique des patients. À mesure que les patients libérés quittaient l’espace de transition de l’hôpital pour réintégrer la société civile, les hommes blessés au visage étaient confrontés à toute une gamme de réactions publiques allant de l’horreur et de la peur à la sympathie et à l’admiration.
Alors que les hommes blessés éprouvent des difficultés à se réadapter à la vie familiale et sociale, la couverture médiatique vise souvent à les présenter comme des victimes ou des héros. Les éventuelles implications politiques et propagandistes de certains journaux visant à normaliser les vétérans blessés auraient pu être explorées plus avant dans ce travail, notamment lorsque les journalistes soulignaient la bonne humeur et le sacrifice des patients malgré leurs blessures. Comme le souligne Gehrhardt, les représentations dans la presse populaire du soldat défiguré, qu’il soit victime, héros ou vétéran ordinaire, reflétaient toujours le point de vue des spectateurs. En consacrant un chapitre à la formation de l’Union des Blesses de la Face (UBF), le livre permet également d’évaluer comment un groupe de vétérans français blessés au visage a tenté de prendre le contrôle de leur propre profil public.
L’initiative du colonel Yves Picot
Entre autres, en 1921, l’UBF a été créée comme une association de soutien et de défense pour et par les anciens soldats blessés au visage. En défendant les valeurs traditionnelles et patriotiques et en soulignant la contribution collective des anciens combattants défigurés, l’UBF vise à projeter une image positive des Gueules cassées en tant que citoyens respectés. Une comparaison plus poussée avec l’Angleterre et l’Allemagne aurait permis de comprendre pourquoi les Gueules cassées sont devenues un symbole aussi central de l’expérience de guerre française. Gehrhardt note comment les différentes cultures politiques des trois pays ont affecté le traitement des anciens combattants en termes de pensions et de soutien, mais une plus grande élaboration sur ce point aurait permis d’expliquer le caractère unique de l’UBF et pourquoi des organisations similaires n’étaient pas aussi importantes en Allemagne ou en Angleterre.
Après un examen approfondi des dimensions médicales, sociales et politiques du sujet dans la première partie, le livre passe à une analyse des représentations artistiques et littéraires des soldats défigurés. Comme l’expérience des patients défie souvent la description écrite, l’inclusion de plusieurs photographies et de reproductions artistiques en couleur apporte un complément visuel convaincant à l’ouvrage. Alors que la photographie médicale tentait de documenter le processus de reconstruction, les œuvres artistiques visaient à saisir l’impact émotionnel et social de telles blessures. Gehrhardt établit un lien efficace entre la représentation des vétérans blessés et les interprétations politiques d’après-guerre du conflit dans chaque pays.
La Première Guerre mondiale a été le premier conflit au cours duquel le personnel médical d’un pays a été confronté au traitement d’un grand nombre de soldats gravement blessés. À l’époque, l’expérience de ce type de blessures était inexistante : les médecins ont dû improviser de nouvelles techniques de reconstruction des visages brisés et réapprendre les anciennes.
Visages cassés et un grand pas dans la médecine esthétique
La Première Guerre mondiale a marqué un tournant dans l’histoire de la médecine esthétique d’aujourd’hui. À cette époque, les médecins commencent à utiliser la chirurgie plastique pour réparer les visages et les corps endommagés par la guerre. Les gueules cassées étaient des soldats qui avaient subi des blessures si graves que leur visage n’était plus reconnaissable. Ces blessures comprenaient des mâchoires et des pommettes manquantes, des nez cassés, des coupures profondes sur le front ou des pertes de vue dues à l’explosion d’obus ou à des attaques au gaz.
C’est Sir Harold Gillies, de l’hôpital Queen Mary de Sidcup (aujourd’hui Queen Elizabeth Hospital), qui a été le premier à faire appel à la chirurgie reconstructive après la Première Guerre mondiale. Il a mis au point de nouvelles techniques pour reconstruire les structures faciales défigurées en utilisant des greffes de peau prélevées sur d’autres parties du corps des patients, comme les cuisses ou les fesses. Cette technique est devenue connue sous le nom de microchirurgie parce qu’elle implique de minuscules incisions faites avec des aiguilles sous anesthésie locale plutôt que de grandes incisions qui nécessitent une anesthésie générale.
Traiter et reconstruire les visages cassés
La première étape consiste à nettoyer la plaie, qui peut être contaminée par des saletés et des débris. Le chirurgien enlève ensuite les morceaux d’os cassés encore en place. Ensuite, il reconstruit le visage à l’aide de greffes de peau ou en fixant une prothèse (nez artificiel). Certains chirurgiens utilisent une technique appelée « lambeaux pédiculés ». Il s’agit de prélever une partie d’un tissu sain sur une autre partie du corps et de le transplanter sur le visage où il se développera avec le temps de nouveaux vaisseaux sanguins et de nouveaux nerfs.
La Première Guerre mondiale et le challenge pour la vulgarisation de la chirurgie esthétique.
En 1914, la Première Guerre mondiale représente un nouveau défi pour les chirurgiens esthétiques. Ils doivent apprendre à reconstruire les visages de leurs patients souffrant de blessures au front. Le terme « gueules cassées » a été donné par les soldats français qui souffraient d’une grave défiguration du visage à la suite de blessures causées par des tirs d’artillerie ou des éclats d’obus.
Il s’agit d’une étape importante pour la médecine esthétique, car elle oblige les médecins à s’intéresser aux aspects psychologiques des soins aux patients et pas seulement aux aspects physiques, qui sont plus faciles à traiter par des méthodes traditionnelles telles que la chirurgie et les médicaments. Elle a également permis de développer des techniques plus avancées, telles que la chirurgie plastique et la microchirurgie, afin de réparer efficacement les tissus endommagés sans causer d’autres dommages ou infections au cours des procédures de traitement, comme la greffe de peau sur des fragments d’os exposés, couverts uniquement par des lambeaux de peau créés au cours des opérations initiales réalisées dans les jours suivant la blessure, en raison du manque d’équipement de réfrigération disponible à l’époque.
Les visages cassés ont constitué un nouveau défi pour les chirurgiens pendant la Première Guerre mondiale. Ils ont dû apprendre à reconstruire les visages de leurs patients souffrant de blessures subies au front. Cet article explore les différents types de traitements disponibles pour ces hommes, ainsi que leurs conséquences à long terme.